Références
Dormition et Assomption de la Vierge LOT 95, 106, 119, 120
Dans le monde orthodoxe, les notions de Dormition et d'Assomption ont souvent été confondues. Pour désigner le sort final de Marie, les auteurs anciens utilisent aussi bien le premier, désignant la mort de la Vierge, que le deuxième, « le passage de la Mère de Dieu de sa vie terrestre à sa vie céleste». La liturgie byzantine a progressivement remplacé Assomption par Dormition, probablement pour ne pas confondre l'Ascension du Christ avec l'Assomption de la Vierge
D'après les exégètes, aucun texte canonique ne fait mention de la fin de l'existence terrestre de Marie car sa mort, si mort il y a eu, est survenue après l'écriture de ces textes. Les seuls renseignements se trouvent dans les récits populaires, les textes apocryphes et les hymnes qui lui sont consacrés. D'après ces sources, la Mère de Dieu est morte à Jérusalem et a été ensevelie à Gethsémani. Les plus anciens de ces récits, appelés Fragments Wright et conservés au British Museum, datent du IIIe siècle. Ils rattachent cette littérature à un genre plus ancien, les Apocalypses d'Apôtres, elles mêmes dépendantes des Apocalypses juives. Le texte décrit le passage de Marie dans l'au-delà. Son corps est retiré du tombeau et transporté au Paradis sous l'arbre de vie où il reçoit à nouveau son âme (Mimouni, 1995). Néanmoins, le texte qui influença le plus l'iconographie de la Dormition de la Vierge a été celui de Pseudo Jean, Discours de saint Jean le Théologien sur la Dormition de la sainte Mère de Dieu, texte composé probablement du IVe siècle (Mimouni, 1995, p. 90). D'après ce texte, Marie qui vivait à Bethléem avec trois autres vierges, pria ardemment après l'Ascension du Christ pour le rejoindre. Le vendredi, l'apôtre Jean fut pris par un nuage et transporté au pied du lit de la Vierge. Le même jour, le Saint-Esprit demanda à tous les autres apôtres d'aller voir la Mère de Dieu et les transporta sur des nuages jusqu'à la maison de la Vierge à Jérusalem. Durant cinq jours les apôtres prièrent et chantèrent sans relâche. Le Jour de Dieu, le Christ apparut accompagné de chérubins et d'anges. « Dieu déploya désormais ses mains immaculées et ... reçut l'âme sainte et très pure de Marie ». Le récit raconte ensuite la procession jusqu'à sa tombe à Gethsémani, l’incident de Jéphonias qui, voulant détruire le corps de Marie, eut les mains coupées par un ange et le transport de Marie au Paradis. D'après d'autres textes, le Christ donna l'âme de Marie à l'archange Michel ou à un ange qui l'emporta au Paradis. Joseph d'Arimatie dit que l'apôtre Thomas arriva en retard au Mont des Oliviers quand Marie était déjà morte et fut témoin de son Assomption (P. Atkins Underwood, 1967).
Selon l'historien Nicéphore Calliste (mort vers 1328), l'empereur Maurice (582-602) fixa la date de la fête de la Dormition le 15 août, suivant la tradition de Jérusalem (Sendler, 1992).
Les représentations des premiers siècles retrouvées sur les sarcophages, fresques et objets rares (ivoires, par exemple) sont plutôt des Assomptions inspirées par le modèle de l'Ascension (Sendler, 1992). Cette iconographie sera oubliée après l'iconoclasme et remplacée par l'image de la Dormition. Ainsi, à Byzance, elle se fixe au Xe -XIe siècle.
C'est probablement au même moment que les premières images reflétant l'événement apparaissent en Russie. Tant est que l'icône la plus ancienne qui nous soit parvenue sur ce sujet date de la fin du XIIe. Elle est conservée actuellement à la Galerie Trétiakov à Moscou (V.I. Antonova, et N.E. Mneva, 1963). La formule iconographique y est déjà définie. Dans le ciel sont représentés les apôtres qui ont répondu à l'appel de Marie et arrivent sur des nuages. La Vierge est couchée sur son lit de mort. Les apôtres apparaissent des deux côtés du lit. Au centre, derrière le lit, est figuré le Christ qui tient l'âme de la Mère de Dieu, représentée emmaillotée comme un bébé.
Sur les icônes plus tardives les témoins accompagnant la Vierge dans son départ peuvent être très nombreux. Des ecclésiastiques, des évangélistes, des princes et des rois peuvent aussi y être présents. Le Christ apparaît souvent dans une mandorle symbolisant le ciel, dans laquelle volent des chérubins et des séraphins. Une architecture plus ou moins complexe, image de la maison de la Vierge, peut encadrer la scène (A.S. Preobrazhenski, 2008).
Même s'il existe très tôt dans les textes, l'épisode de Jéphonias n'apparaît pas dans l'iconographie avant le XVe siècle (pour les textes, M. Jugie, 1930, p. 282 et 292; pour l'iconographie, A.S. Preobrazhenski, 2008).
L'image de l'Assomption apparaît au XVe siècle en Russie, associée à l'image de la Dormition (A.S. Preobrazhenski, 2008). On y voit la Vierge orante assise sur un trône s'élever dans le ciel, portée par des anges. Plus haut d'autres anges tendent leurs mains couvertes pour la recevoir et l'introduire au Paradis. Ce n'est probablement qu'au XVIIe, sous l'influence de l'art occidental, qu'on commence à représenter l'Assomption comme une scène à part, dissociée de la Dormition.
Littérature :
S.-C. Mimouni, Dormition et Assomption de Marie. Histoire des traditions anciennes, Paris, 1995, p. 83 ss.
E. Sendler, Les icônes byzantines de la Mère de Dieu, Paris, 1992, p. 54 ss.
V.I.Antonova, et N.E. Mneva, N.E. Katalog Drevnerusskoj Zhivopisi XI-nachala XVIII V.v.; Moscou, 1963, t. I, p. 74, ill. 29
M.Jugie, La littérature apocryphe sur la mort et l'Assomption de Marie à partir de la seconde moitié du VIe s. in Ecos d'Orient, 1930, vol. 29, N° 159, p. 265-269
A.S. Preobrazhenski, Uspenie Bogomateri in, Icony Vladimira i Suzdalja, Moscou,
2008, p. 372-375, n° 77
P.Atkins Underwood, The Kariye Djami, New York, 1967, vol. 1, p. 165