Références
L'œuvre est illustrée dans: Laloy, Yves, Portrait de sot six, édité par Gérard A. Schreiner, Genève, Bâle, 1973, sous le n° 29.
Dans le résumé de sa thèse, Madame Suzanne Nouhaud-Duco mentionne notamment qu'"il traite ... des thèmes universels avec un état d'esprit surréaliste … il associe [aussi] les mots à la peinture ; en utilisant les correspondances entre les images et les sons, il invente avec humour un univers insolite et irrationnel."
Voir également l'article de presse de Vincent Noce dans Libération du 23 avril 2004:
"Nul n'est censé ignorer Laloy"
envoyé spécial à Rennes
" ...Soudain, dans le fleuve de la collection Breton dispersée à Drouot, Yves Laloy. A cette occasion, la fille d'André Breton a offert, au musée de Rennes, un facétieux jeu de formes et couleurs de cet artiste, les Petits Pois sont verts..., les Petits Poissons rouges... Un an plus tard, le musée rend hommage à ce peintre singulier, disparu il y a cinq ans, en lui consacrant sa première rétrospective, grâce notamment à son fils, Pascal Laloy, et Serge Lemoine, directeur d'Orsay.
La France connaît peu cette oeuvre qui compterait 500 peintures, dont 120 se trouvent à Rennes. La faute en partie à ce créateur sauvage qui fuyait les vernissages.
Les Petits Pois... avaient été choisis en 1965 par Breton pour la couverture du Surréalisme et la peinture, publié par Gallimard, non sans profondes raisons. Surréaliste, Laloy ? On sait combien Breton pouvait se montrer subjectif dans sa distribution de la sainte Etiquette. Il était impressionné par les fulgurances de ce peintre, dans lesquelles il trouvait des apparentements médiumniques avec les tableaux de sable réalisés par les Navajos lors de cérémonies chamaniques.
Provocateur. Laloy échappe aux étiquettes, mais s'il fallait en évoquer une, ce serait plutôt, pour l'essentiel, sa proximité avec l'abstraction géométrique. Que son oeuvre fût ou non surréaliste, l'homme, lui, le fut. Par ses écrits : il est notamment l'auteur d'un traité de plus de 1 500 pages la Beauté et ses à-côtés, où il saute d'une citation à l'autre dans une incessante mise en abyme. A Gallimard, qui renonça devant une telle somme, il envoya une feuille : «M'éditez-vous ? Méditez-vous ?» Puis, par sa vie de provocateur torturé. Un autoportrait le montre sérieux comme un pape, une tête de clown se moquant de lui, affublé d'un chapeau pointu affichant «LSKcSKI» (l'exquis), slogan d'une marque de chocolat alors populaire. Ou alors, il se dédouble en pêcheur de crevettes (pécheur devant l'Eternel ?), en silhouette à la Greco dans un monochrome beige gris. L'artiste est fasciné par le thème du double, qu'on retrouve dans toute la partie figurative de son oeuvre.
Fils d'un architecte départemental, il est obligé de quitter Rennes, où il envoyait des lettres d'injures au préfet. En 1955, délaissant carrière et famille, il part en vélo à la recherche des civilisations méditerranéennes, réussissant à se faire emprisonner comme espion en Egypte au moment de la crise de Suez. Ayant tout lu de la littérature mystique, il cherche dans ses propres limites des réponses à l'angoisse de l'existence. Il embarque pour une campagne en Terre-Neuve, passant six mois à éventrer les poissons dans le gel du Grand Nord. Il revit l'expérience par trois fois, revenant traumatisé d'une expédition au cours de laquelle le corps d'un moussaillon mort est ramené dans la cale aux morues. Il écrit le Mal de M... et peint l'Enfer, l'adieu au Louis-Girard (nom du bateau), sarabande de visages autour d'un diable minotaure dont la langue est le sexe, confusion qui se retrouve de manière lancinante dans ses scènes.
Marin. Ses allusions à la sexualité, au masque et à la mort, ses calembours et son ironie, trouvent évidemment résonance dans le surréalisme. Comme ses premiers tableaux colorés, aux sinuosités évoquant le monde marin. Décomposant vagues, oiseaux et poissons en angles pointus, il bascule ensuite dans une abstraction très structurée, exécutant en aplat des labyrinthes de triangles isocèles et de cercles, toujours colorés. Architecte de la toile, il réalise des dessins préparatoires au millimètre près. Il peint sur la réserve, puis détoure avec application les formes angulaires pour poser son fond. Ces tableaux vibrent d'une formidable énergie qu'il plie dans le rectangle de la toile. A un ami, il cite Bernanos : «Le Bon Dieu ne m'a pas mis une plume entre les mains pour rigoler avec.» Enchaînant : «Veuillez pardonner au Bon Dieu de me prêter sa plume pour rire sous cap.» Référence à l'univers marin qui ne l'a pas quitté depuis ses premiers paysages de Cancale. Dans les années 1970, il se détend, peignant d'ironiques petits personnages stylisés, affublés de titres comme : Dieu Satan à tout, Saint Bole, Le Mal est mon bien ou Toujours plus sot (un idiot en ballon). Toute sa vie, Yves Laloy la passe en allers-retours entre ces différents styles, mais toujours en quête d'une harmonie vibrante de coloris.… "