Description
Icône: Nativité, Moscou ou Novgorod, fin XVe - début XVIe.
Dimensions : H. 31.8x25x2.2 cm
Nous sommes en présence d'une pièce rare. La peinture se distingue par sa densité. Les figures s'imposent, le dessin est souple, les coloris somptueux. Les visages, malgré leur grâce apparente expriment une puissance intérieure. Une icône proche de celle-ci par son style se trouve aujourd'hui à l'Ermitage de Saint-Petersbourg, cf. Drevnerusskaja zhivopis', Saint-Petersbourg, 1992, pl. 36, p. 340-341 ; aussi coll. Icônes grecques, melkites, russes, Collection Abou Adal, Genève, 1993, p.302-303, N°100
Conservation : Bonne. Quelques pertes de la couches picturale. L'icône a été restaurée et consolidée au XIXe. Un nouveau support a été ajouté à l'ancien, dont l'épaisseur a été diminuée.
Provenance : Collection suisse.
Estimation : 40000 - 45000 CHF
Références
Nativité LOT 57, 95, 106, 119
L'icône de la Nativité présente la Mère de Dieu couchée ou assise dans une grotte à côté de l'enfant à qui elle vient de donner la vie. Des anges chantent leurs louanges. L'âne et le boeuf réchauffent l'enfant de leur haleine, en présence des mages et de bergers. La lumière à triple rayon, symbole de l'union du Père, du Fils et du Saint-Esprit couronne la composition.
Joseph, sombrant dans le doute et tenté par le diable, est figuré comme un homme jeune ou vieux qui se trouve sur presque toutes les icônes en bas, souvent à gauche. La partie droite est occupée par le premier bain de l'enfant donné par deux femmes dont l'une est identifiée comme Salomé.
La Nativité du Christ trouve ses sources dans les textes des Evangiles de Matthieu (1, 21-25) et de Luc (2, 7). Le texte de Matthieu est bien plus long dans la prédication que dans la narration du fait lui-même. Luc est un peu plus explicite. Il nous apprend que Marie coucha son fils dans la crèche, mangeoire des animaux, « parce qu'il n'y avait pas de place » (Lc, 2,7). Cette mangeoire était probablement aménagée dans un mur du pauvre logis de Joseph, qui était si plein qu'on ne put trouver meilleur endroit pour déposer l'enfant (Bible, 1977). Après la Naissance, Matthieu parle de la visite des mages qui rentrent dans le logis (Mtt 2, 1-12). Luc raconte celle des bergers (2, 8-19). Personne ne mentionne ni la grotte, ni l'âne et le boeuf. Dans ce dernier cas, il s'agit d'une image antique que nous trouvons chez Isaï. Le boeuf est celui qui connaît son maître et l'âne la crèche de son maître. « Israël ne connaît pas, mon peuple ne comprend pas », se lamente Isaï (1,3).
Même si les textes canoniques nous donnent quelques précisions au sujet de ce grand événement, les apocryphes concernant la Naissance de Jésus, probablement nés d'une volonté et d'un besoin d'éclairer et d'approfondir les Ecritures, sont bien plus détaillés. Ainsi le Protévangile de Jacques, texte créé probablement au IIe siècle (J-D.Kaestli, D. Marguerat, 2007), rédigé en Syrie ou en Egypte (P. Riché, G. Lobrichon, 1984) ou bien celui de Philippe, lui aussi, daté de cette époque, nous informent sur tous les détails que nous trouvons dans l'icône de la Nativité. Grotte, animaux, Salomé et le doute de Joseph sont des éléments qui en font partie (Narelli, 2009, p. 49). Ces images narratives attirent et influencent fortement la liturgie, les arts, la littérature et même les doctrines de l'Eglise (P. Riché, G. Lobrichon, 2007).
Qu'en est-il de la liturgie ? Avant le IVe siècle, la fête de Noël coïncidait avec la fête de l'Epiphanie, autrement dit, le jour de la visite des rois mages. Au Ve siècle, on associa la Naissance du Christ à la célébration de la gloire de sa Mère et la maternité divine. A Constantinople où cette fête était célébrée de manière très solennelle, elle
avait pour date le 25 décembre (E. Sendler, 1992).
L'iconographie de la Nativité apparaît au IVe siècle, mais le schéma ne se fixe qu'au cours du IXe. L'image arrive en Russie de Byzance au moment de la christianisation du pays. Durant des siècles, elle garde sa forme byzantine. Vers la fin du XVIe siècle, on abandonne la natte de la Vierge et commence à la représenter couchée sur un lit. A partir du XVIIe siècle, sous l'influence de la peinture occidentale, l'image devient beaucoup plus libre, la grotte souvent est oubliée, Joseph vient voir l'Enfant, la scène se passe dans une maison où l'Enfant est couché sur la paille de la crèche. (G.S.Klokova, 1996).
Littérature :
E. Narelli, Enquête sur la Mère de Jésus dans le christianisme antique, Genève, 2009, passim.
J.-D. Kaestli, D. Marguerat, Le mystère apocryphe. Introduction à une littérature méconnue, Genève, 2007, p. 40 ss.)
P. Riché, G. Lobrichon, Le Moyen Age et la Bible, Paris, 1984
Bible de Jérusalem, Paris, 1977, p. 1486, commentaire g.
E. Sendler, Icônes de la Mère de Dieu, Paris, 1992, p. 54 ss.
G.S.Klokova, La Natività del Cristo in L'Immagine dello spirito. Icone dalle terre Russe. Collezione Ambroveneto, Milan, 1996, p. 132-133, n° 21